26 décembre 2005

Champignons, littérature et escalopes...

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Je sais, je sais... Je suis très très en retard pour la dernière édition de Blog Appétit! Mais j'ai une bonne excuse: j'ai été privée d'ADSL du 18 au 25 décembre. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, alors voici tout de même ce que j'avais préparé et que je n'ai malheureusement pas pu poster le 20 décembre dernier...

Plus que les champignons, la littérature m'émeut. Et parfois, les deux peuvent aller ensemble... Aussi, je vous propose un récit de cueillette et - de gastronomie - peu ordinaires, par le grand écrivain tchèque Bohumil Hrabal:

[…] Franci fut obligé d’employer la ruse: avant leur première expédition en forêt, il avait acheté trois beaux cèpes, puis les deux frères prirent le train du matin, en constatant qu’ils voyageaient avec une centaine d’autres ramasseurs de champignons, et bien sûr, tout le monde descendit à Rozdalovice dans une grande bousculade, troupeau de gens furieux les uns contre les autres, et bientôt la forêt retentit de leurs cris et appels. Mais Franci avait l’art de repousser les concurrents qu’ils croisaient en chemin, juste à l’orée du bois il laissa tranquillement passer un ramasseur de champignons, puis il sortit de sa poche l’un des cèpes achetés d’avance.«Alors vous laissez des champignons derrière vous ?», cria-t-il en exhibant le cèpe dans le dos de l’homme pressé, qui s’arrêta comme foudroyé pendant que papa nettoyait délicatement son champignon avant de le déposer dans le petit panier de Pepi, et mon oncle le caressa du bout des doigts, le huma béatement... mon père put ainsi placer ses trois cèpes du commerce, pour éloigner les autres ramasseurs de champignons il leur cueillit dans le dos le deuxième puis le troisième cèpe et, chaque fois, l’homme qui se laissait surprendre de la sorte en était tellement dépité que, par la suite, il n’arrivait plus à chercher correctement. Ce qui permit aux deux frères de se balader à loisir dans la forêt, Franci aidant Pepi au passage des fourrés, à la fin ils s’assirent dans une clairière et mon oncle reprenait les cèpes un à un pour les humer de nouveau, sous les exclamations enthousiastes de mon père. Mais par la suite, les ramasseurs de champignons venaient si nombreux à la gare de la petite ville où le temps s’arrêta que mon père estima préférable de ne partir qu’après le déjeuner, mais comme si tout le monde s’était donné le mot, ils étaient encore tous ensemble dans le train de l’après-midi, mon père décida donc de prendre l’autobus mais, de nouveau, tous les ramasseurs de champignons qui, d’habitude, prenaient le train, s’y donnèrent rendez-vous, une foule telle qu’il fallut affréter un bus supplémentaire, mon père se dit alors qu’il vaudrait mieux y aller en voiture, mais le lendemain toute une colonne de véhicules sortit à l’aube de la petite ville où le temps s’arrêta, qui en voiture, qui à moto ou à bicyclette mais tous dans la même direction, si bien qu’une fois de plus tout le monde se retrouva dans la forêt au coude à coude, à portée du regard et de la main des autres. En désespoir de cause, mon père résolut de ramasser aussi des champignons non comestibles voire suspects, suivant le livre du professeur Smotlacha qui fait autorité en mycologie tchèque. Désormais, mon père partait avec Pepi en emportant un poêlon et une plaquette de beurre pour se livrer à leur mycologie expérimentale dès la fin du printemps jusque tard dans l’automne. Ils allumaient un feu dans une clairière et, après avoir fait revenir dans le beurre un oignon haché, ils jetaient dans leur poêlon une fausse oronge, des touffes de trompettes-de-la-mort, ajoutant quelques morilles ou une amanite panthère, selon la saison. Mon père faisait goûter d’abord cette friture insolite à tonton Pepi, puis il lui demandait au bout d’une demi-heure : «Dis donc, Joska, tu n’entends pas par hasard des tintements dans les oreilles ?» Pepi n’entendait rien, sinon le tintement d’une cloche d’église ou la sonnette d’une bicyclette, et Franci goûtait à son tour au plat de champignons, qui était excellent. Une fois ils restèrent pourtant dans la forêt plus de cinq heures durant, paralysés des jambes parce que mon père avait ajouté un peu trop de mousseron marasme. Oncle Pepi se réjouissait déjà qu’il ne serait plus obligé de marcher du tout, on le pousserait dans une voiture d’infirme, mais il dut vite déchanter car, au bout de quelques heures, les deux frères retrouvèrent l’usage de leurs jambes, si bien qu’ils purent aller sans encombre jusqu’à la gare pour rentrer chez eux. À force de consommer des champignons suspects, mon père se sentit tellement en forme qu’il décida d’emmener aussi maman, à cette époque les deux frères osaient déjà aller très loin et leur plat du jour se composait d’hydnes bien coriaces, de lépiotes et de volvaires, agrémentés de quelques helvelles qui, selon le professeur Smotlacha, contiennent de l’acide helvellique... ils offrirent d’abord ce régal à maman puis, comme elle n’entendait aucun tintement au bout d’une demi-heure, ils y goûtèrent à leur tour, il restait encore des helvelles et maman en fit une conserve au vinaigre, il paraît que c’est exquis, bien meilleur que les cèpes. Puis Franci eut l’idée de conserver ces helvelles dans du vinaigre à l’estragon avec quelques girolles, lactaires et fistulines, et ce mélange de champignons servi dans des coupes, juste arrosé de quelques gouttes de jus de citron, de tabasco et de sauce worcester, avait pour lui un goût aussi fin que la chair de la langouste ou les meilleurs fruits de mer... Un jour qu’ils étaient descendus à la gare de Trebestovice, Franci dit soudain : «Qu’est-ce que c’est que ces taches rougeâtres, là-bas ?» Ils y retournèrent – et tombèrent à genoux, tout ébahis : c’étaient de très beaux bolets dont ils purent ramasser tout un plein panier. Ils restèrent tout un moment là, assis sur un tas de sable, se chauffant au soleil près du petit bois, puis dans le train du retour, les ramasseurs de champignons qui ramenaient leur maigre récolte après toute une journée de recherche crièrent à la provocation, comme si Franci et Pepi avaient acheté tout cela Dieu sait où pour les narguer. Le soir, maman put préparer pour la première fois depuis bien longtemps un plat classique de champignons comestibles, après quoi tous les trois furent pris de vomissements et Pepi perdit même connaissance, il eut aussi la diarrhée, une soif inextinguible et une nouvelle crise de vomissements suivie de violents maux de tête, puis des crampes dans les mollets et des troubles de la vision, le tout accompagné d’un tintement persistant dans les oreilles. Toute la famille, paralysée des jambes pendant près de six heures, fut transportée à l’hôpital où le chef de clinique diagnostiqua une intoxication alimentaire par champignons comestibles, phénomène assez rare, le dernier cas connu étant celui du professeur Smotlacha, retrouvé dans le coma après avoir mangé un plat de cèpes. [...]

La petite ville où le temps s’arrêta
Bohumil HRABAL
Traduit du tchèque par Milena Braud
Ed. Points

Né à Brno en 1914, Bohumil Hrabal est considéré comme un des écrivains tchèques les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle. Il ne commença à publier qu’en 1963. Censuré pour grossièreté et pornographie, puis interdit de publication après le « coup de Prague », Hrabal est aujourd’hui l’un des écrivains les plus adulés de son pays.
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Et maintenant, la recette d'un petit plat tout simple que je fais très souvent, à base de champignons de Paris frais... cultivés dans la région d'Alcobaça (le plus grand centre maraîcher du Portugal)! Les escalopes de dinde à la crème et aux champignons.



Ingrédients pour 4 personnes

- 4 escalopes de dinde
- 1 cuillère à soupe de beurre
- 1 cuillère à soupe d'huile
- 500 g de gros champignons de Paris frais
- 1 petite échalote hachée
- 1 petite gousse d'ail hachée
- 1 trait de cognac
- 300 g de crème fraîche
- sel & poivre noir fraîchement moulu

Préparation

Bien nettoyer les champignons et les trancher. Saler et poivrer les escalopes. Réserver.

Faire chauffer l'huile avec le beurre dans une grande poêle. Y faire dorer les escalopes des deux côtés, sans faire brûler la matière grasse. Réserver les escalopes au chaud.

Dans la même matière grasse, faire légérement dorer l'ail et l'échalote hachés. Ajouter les champignons émincés et cuire pendant 3 minutes, en remuant de temps en temps. Saler et poivrer. Asperger avec le cognac et laisser réduire.

Ajouter la crème, bien mélanger et laisser réduire à feu doux en remuant (la crème ne doit pas bouillir). Rectifier l'assaisonnement et poser les escalopes sur la sauce pendant quelques instants pour les réchauffer.

Dresser les escalopes dans les assiettes et napper généreusement avec la sauce aux champignons. Servir avec des pommes sautées ou des frites.

Toutes les contributions des participants

10 commentaires:

  1. Un plat qu'on, apprécie toujours autant !

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  2. Et moi j'ai adoré le récit de ton écrivain tchèque ! merci pour ce choix plus qu'approprié !

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  3. TRès fort cet écrivain...

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  4. Je me disait bien, en lisant le nom des champignons que tes héros mangeaient, qu'il y avait quelque chose !!! Et ce quelque chose m'a tenue en haleine! Wahou!!! Quelle fin !!! Héhé !!!!
    Puis, quelle faim d'escalope de dinde à la crème et aux champignons !!!
    Contente que tu soit de retour, Elvirinha !
    bizs
    Isabelle

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  5. moi aussi j'ai beaucoup aimé le récit; et la recette également

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  6. Le temps s'est arrêté, je reviens demain pour relire ce texte, c'est trop savoureux!

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  7. Tu es pardonnée de ton retard ,belle lecture et bonne recette.

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  8. Très à propos ce récit...

    C'est vrai, nos recettes se ressemblent beaucoup. On aurait pu faire un plat commun. Il faudra que l'on y réflèchisse pour la prochaine édition !!!

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  9. excellent l'empoisonnenement par champignons comestibles. Très bon ce texte, merci Elvira.
    juste un mot : c'est une idée curieuse que tu reprends "la créme ne doit pas bouillir" : pourquoi, aui contraire ça la réduit et ta sauce est plus onctueuse. As tu déjà fait l'expérience ? jp

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  10. Oui, JP... mais ça dépend de la recette. :-)

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