Vous vous demandez sûrement pourquoi on utilise autant d'oeufs dans la pâtisserie et les desserts portugais en général...? Non, au Portugal nous n'avons pas une race endémique de poules, voire génétiquement modifiée, super pondeuse et hyper productive. Voici les raisons - historiques - de cette consommation effrénée d'oeufs...
Jusqu'au milieu du XVIIIe s., le Portugal regorgeait d'une pléthore de couvents qui servaient surtout à caser les filles des familles nobles pour que le frère aîné touche quasiment la totalité de l'héritage ou que la soeur préférée puisse bénéficier d'une dot plus importante. Triste époque! Les nonnes, issues des meilleures familles portugaises et trop délicates pour pratiquer de gros travaux d'agriculture, se contentaient bien souvent d'élever des poules. Ensuite, pour tuer l'ennui du confinement, elles passaient des journées entières dans les cuisines des couvents à transformer les innombrables oeufs pondus par les poules en desserts de leur invention. Il s'ensuivit une frénésie de confection de desserts à base d'oeufs, à tel point que, se copiant plus ou moins tous les uns les autres, les couvents entrèrent dans une compétition folle de celui qui arriverait à inventer la meilleure douceur de tout le Portugal! Ainsi naquirent les ovos moles, les queijadas (sortes de cheese-cakes portugais), les barrigas de freira (ventres de nonne), les papos de anjo (gorges d'ange), le toucinho do céu (lard du ciel), parmi des dizaines et des dizaines d'autres spécialités célèbres, encore aujourd'hui très prisées et confectionnées comme au temps des couvents! L'une de ces douceurs a même acquis une renommée internationale et est désormais vendue de Lisbonne à New-York, en passant par Londres, Hong-Kong ou encore Sydney: le célébrissime pastel de nata !
Vers la moitié du XVIIIe s., les choses prirent un vilain tour pour nos nonnes portugaises... En effet, derrière les murs de ces innombrables couvents, se passaient des choses bien moins catholiques que la pâtisserie. Les couvents étaient aussi devenus des sortes de bordels de luxe - rappelez-vous que toutes ces soeurs étaient de jeunes et jolies femmes de la haute noblesse - pour la bonne société masculine de l'époque (l'une de ces religieuses trop passionnées - Mariana Alcoforrado - est devenue une référence littéraire internationale, avec les fameuses "Lettres de la Religieuse Portugaise"). Et le Marquis de Pombal, intransigeant Premier Ministre de l'époque (qui fut également l'homme de la reconstruction de Lisbonne après le tremblement de terre de 1755), décida de mettre fin à la débauche - mais surtout aux coûts dispendieux pour l'Etat engendrés par ces gynécées pseudo-religieux - en fermant la plupart des couvents et en dissolvant les ordres. Bon, au moins, il nous reste un vaste et beau patrimoine de belles et vieilles pierres à visiter, au Portugal... Et puis, pour notre plus grand plaisir, le Marquis de Pombal n'est pas allé jusqu'à brûler les recettes des religieuses...!
PS : un de ces jours, il faudra aussi que je vous raconte pourquoi on appelle les lisboètes des "alfacinhas" (petites laitues) et les gens de Porto, des "tripeiros" (tripiers)...
Jusqu'au milieu du XVIIIe s., le Portugal regorgeait d'une pléthore de couvents qui servaient surtout à caser les filles des familles nobles pour que le frère aîné touche quasiment la totalité de l'héritage ou que la soeur préférée puisse bénéficier d'une dot plus importante. Triste époque! Les nonnes, issues des meilleures familles portugaises et trop délicates pour pratiquer de gros travaux d'agriculture, se contentaient bien souvent d'élever des poules. Ensuite, pour tuer l'ennui du confinement, elles passaient des journées entières dans les cuisines des couvents à transformer les innombrables oeufs pondus par les poules en desserts de leur invention. Il s'ensuivit une frénésie de confection de desserts à base d'oeufs, à tel point que, se copiant plus ou moins tous les uns les autres, les couvents entrèrent dans une compétition folle de celui qui arriverait à inventer la meilleure douceur de tout le Portugal! Ainsi naquirent les ovos moles, les queijadas (sortes de cheese-cakes portugais), les barrigas de freira (ventres de nonne), les papos de anjo (gorges d'ange), le toucinho do céu (lard du ciel), parmi des dizaines et des dizaines d'autres spécialités célèbres, encore aujourd'hui très prisées et confectionnées comme au temps des couvents! L'une de ces douceurs a même acquis une renommée internationale et est désormais vendue de Lisbonne à New-York, en passant par Londres, Hong-Kong ou encore Sydney: le célébrissime pastel de nata !
Vers la moitié du XVIIIe s., les choses prirent un vilain tour pour nos nonnes portugaises... En effet, derrière les murs de ces innombrables couvents, se passaient des choses bien moins catholiques que la pâtisserie. Les couvents étaient aussi devenus des sortes de bordels de luxe - rappelez-vous que toutes ces soeurs étaient de jeunes et jolies femmes de la haute noblesse - pour la bonne société masculine de l'époque (l'une de ces religieuses trop passionnées - Mariana Alcoforrado - est devenue une référence littéraire internationale, avec les fameuses "Lettres de la Religieuse Portugaise"). Et le Marquis de Pombal, intransigeant Premier Ministre de l'époque (qui fut également l'homme de la reconstruction de Lisbonne après le tremblement de terre de 1755), décida de mettre fin à la débauche - mais surtout aux coûts dispendieux pour l'Etat engendrés par ces gynécées pseudo-religieux - en fermant la plupart des couvents et en dissolvant les ordres. Bon, au moins, il nous reste un vaste et beau patrimoine de belles et vieilles pierres à visiter, au Portugal... Et puis, pour notre plus grand plaisir, le Marquis de Pombal n'est pas allé jusqu'à brûler les recettes des religieuses...!
PS : un de ces jours, il faudra aussi que je vous raconte pourquoi on appelle les lisboètes des "alfacinhas" (petites laitues) et les gens de Porto, des "tripeiros" (tripiers)...
Illustrations : Fortescue, Leighton
très agréable de se cultiver tout en dégustant tes recettes.
RépondreSupprimerDonc si j'ai bien compris, a un moment les religieuses portugaises etaient des poules de luxe hyper productives. Merci pour cette lecon d'histoire culinaire.
RépondreSupprimerCa doit etre pareil en France tu sais, je me demande pourquoi on appelle ce fameux gateau rebondi une religieuse?
Merci beaucoup Elvira pour cette explication! Tu soulages ma curiosité!
RépondreSupprimerEn effet, Gracianne! :-)) Et pendant ce temps, les moines pochetronnaient en goûtant les liqueurs de leur invention ... Elle était belle, la religion, au XVIIIe siècle!
RépondreSupprimerEn effet, je me disais que je n'avais jamais vu de recettes avec autant d'oeufs!!! Si on veut faire un dessert portugais, alors on peut être sûr de devoir passer avant dans un magasin afin de faire des réserves d'oeufs...
RépondreSupprimerMerci pour ce cours d'histoire culinaire; c'était très intéressant!
é pena não estar em português!
RépondreSupprimerJ'ai du être nonne portugaise dans une autre vie, car j'adore toutes ces recettes sucrées à base d'oeuf, dont tu nous régales !
RépondreSupprimerTrès intéressant! J'ai hâte de découvrir l'histoire des petites laitues et des tripiers! Merci!
RépondreSupprimerPois, Abel... Mas em regra geral, os Portugueses conhecem a história dos nossos doces conventuais, mas não os franceses... :-)
RépondreSupprimerMerci, Elvira, pour la petite leçon appétissante. Du coup, nous autres brésiliens avons hérité de ce goût tout "religieux" pour les douceurs à base de jaunes d'oeufs et de beaucoup, beaucoup de sucre... d'où le succès fou des baba-de-moça, fios de ovos, ambrosias ou autres quindins de par notre Brésil. Miam!
RépondreSupprimerC'est exactement vrai, Milady Carol! Nos doueceurs sont très très similaires.
RépondreSupprimerC'est vrai que je m'étais aussi faite la réflexion (surtout que les oeufs, j'y fais très attention ;) )
RépondreSupprimerMerci pour cette page d'histoire
J'en sais un peu plus ,merci
RépondreSupprimerSavoureuse histoire, merci :-)
RépondreSupprimerJe viens de jeter un oeil sur les recettes ... 19 jaunes d'oeufs pour les ovos moles !!!!!
RépondreSupprimerA tomber j'imagine !
Il va falloir que je fasse le tour du monde des desserts :-)
Que chique! Gostei imenso do seu blog, parabéns!
RépondreSupprimerAté breve,
Daniela Mann
Obrigada, cara Daniela! :-)
RépondreSupprimerquelle histoire!
RépondreSupprimerMerci pour cette belle histoire, Elvira !
RépondreSupprimerIncroyable, cette histoire. Vraiment, merci de nous avoir transmis ça !
RépondreSupprimerTrés bien.
RépondreSupprimerPermite-me sugerir-te outras receitas explicadas "doutras" maneiras:
http://basagueda.blogspot.com/2006/03/nossa-comedura-vi-bacalhau-alagado.html
ou
http://basagueda.blogspot.com/2006/02/nossa-comedura-v-do-leito-comdado-ao.html
ou ainda
http://basagueda.blogspot.com/2006/01/nossa-comedura-iv-batatas-solteiras.html
J'adore l'Histoire vue par le petit bout de la lorgnette !!!!
RépondreSupprimerDans 2 semaine, je vais pouvoir sortir ma "science" à mes cousins...héhé...
Merci Elvirinha !!!!!
Merci pour cette information. Même si j'avais voulu, je n'aurais même pas pu l'imaginer.
RépondreSupprimerPassionnante histoire!
RépondreSupprimerC'est bien de se rappeler à nos souvenirs des choses plus ou moins belles de notre passé!